Compagnie
Christophe
Barbier
Le tour du Théâtre en 80 minutes
Synopsis
Une étrange alchimie se produit dans le cerveau d’un comédien qui va jouer, qui joue, qui a joué. De la tempête du trac à l’ouragan des applaudissements, l’acteur traverse les vertiges de l’entrée en scène, les tourbillons des répliques et, parfois, le désert du trou de mémoire. C’est toute une météorologie d’émotions qu’il s’agit d’affronter. La première partie du Tour du théâtre en 80 minutes retrace ce voyage, du maquillage aux rappels, en passant par un archipel d’extraits de pièces parlant toutes du théâtre : L’impromptu de Versailles, de Molière ; L’Illusion comique, de Pierre Corneille ; L’Échange, de Paul Claudel ; Kean, d’Alexandre Dumas ; Elvire Jouvet 40, de Brigitte Jaques... En guise de portulans, l’acteur utilise les réflexions des grands théoriciens : Antonin Artaud, Louis Jouvet, Laurent Terzieff... Puis il s’agit de raconter la Grande histoire du théâtre, celle qui mène des amphithéâtres grecs aux boulevards parisiens. Une histoire indéfectiblement liée à la politique, tant le pouvoir et la comédie ont partie liée. Parfois, le théâtre se nourrit de la politique, comme dans les œuvres de Sophocle ou de Shakespeare. Parfois, le pouvoir utilise le saltimbanque, tels Louis XIV avec Molière ou Napoléon avec Talma. Parfois, la comédie défie le pouvoir : ainsi des auteurs romantiques ou des grands dramaturges du XXe siècle. Entre la politique et le théâtre, pour les unir et les séparer à la fois, comme la tranche d’une médaille entre ses deux faces, il y a la religion. Celle des dieux antiques déterminant les châtiments des tragédies. Celle qui fait jouer ses « mystères » au parvis des églises, au Moyen Âge. Celle qui excommunie les comédiens, aussi... Parcourir en une heure l’histoire du théâtre, c’est traverser l’Histoire tout court. Sur la scène naissent des idées nouvelles pour entraîner le peuple, des héros qui servent les ambitions du monarque, des révolutions qui le font tomber... Raconter l’histoire du théâtre en France, c’est tendre un miroir aux spectateurs.
Le Contexte
Le Tour du Théâtre en 80 minutes est né de la rédaction du Dictionnaire amoureux du Théâtre, que j’ai publié chez Plon en 2015. Plutôt que d’en tirer de fastidieuses conférences, j’ai préféré construire à partir de ces mille deux cents pages un spectacle, un périple, à la fois voyage au fil d’une représentation et épopée de l’art dramatique. Au Festival d’Avignon 2017, le texte a pris sa forme définitive, avant d’être mis en scène par Charlotte Rondelez pour le Théâtre de Poche-Montparnasse. En guise de préface au Dictionnaire amoureux du Théâtre, j’écrivais ceci : « Comme Viola et Sébastien, les faux jumeaux de La Nuit des rois, politique et théâtre se ressemblent sans se confondre. Le pouvoir a ses propres décor et dramaturgie ; sa distribution mélange les héros et les traîtres, les confidents et les valets. De son côté, la scène se nourrit des querelles de l’Histoire, elle porte sur ses planches les silhouettes glorieuses et sanglantes que lui offre l’épopée humaine. Quel beau pas de deux dansent depuis deux mille cinq cents ans la politique et le théâtre ! Antigone défie les lois du pouvoir, et Sophocle, jusqu’à nous, porte sa plainte. Sans la lutte pour le trône, la moitié de l’œuvre de Shakespeare s’évanouit – et le reste est silence. Le Mariage de Figaro est le prélude de la Révolution française ; Hernani, celui des Trois Glorieuses de Juillet. Le théâtre donne, à la politique, l’éternité ; la politique offre, au théâtre, l’incandescence. Sans théâtre, la politique est vaine ; sans politique, le théâtre est court. La politique est mon métier - avec toute la distance du journalisme ; le théâtre est ma passion - avec toute l’humilité de l’amoureux. Écrire le Dictionnaire amoureux du Théâtre, ce fut comme voguer sur un fleuve de bonheurs mêlés : celui d’inscrire et de biffer, celui de raviver ses souvenirs les plus anciens, de revivre des milliers de soirées, de réveiller d’émouvants fantômes. Le bonheur d’affronter des géants nommés Eschyle, .../... Corneille, Calderon, Racine, Marivaux, Hugo, Beaumarchais, Tchekhov, Feydeau, Guitry, Beckett... Le bonheur de distinguer une troupe oubliée ou une comédienne inconnue, parce qu’elles m’ont ému jadis ; de régler quelques comptes et de rédiger quelques déclarations d’amour. Le bonheur, gratitude scripturale, de rendre un peu de plaisir à ces artistes qui m’en ont tant prodigué. Il y a, dans la rédaction du Dictionnaire amoureux du Théâtre, le vertige des mémoires, le délice de l’épistolaire et la tristesse du testament. Je ne me souviens plus par quelle entrée j’ai pénétré dans ce long tunnel de papier, mais je sais que j’en suis sorti par la plus noble et la plus longue des occurrences : Molière. Si j’ai, très tôt dans ma tâche, choisi d’achever mon Dictionnaire par le plus grand nom du théâtre français, c’est parce que Jean-Baptiste Poquelin m’a accompagné tout du long, m’encourageant dans les aubes laborieuses et les nuits stériles, bougon quand je procrastinais, boudeur si je bâclais. Oui, chaque matin, Molière était là pour me dire : « Quoi de neuf ? ». Et c’est à lui, chaque soir, qu’il me semblait remettre ma copie. Errant et cahotant, telle la carriole de Molière, je me suis installé en des centaines de noms, comme elle dans les villes et les villages. Il n’y a pas de mot « fin » dans un dictionnaire, aucun rideau ne tombe dans l’histoire du théâtre. Que résonnent les trois coups ! Ils sont la preuve que mon cœur bat. »